Le Gabas

Le Gabas

C’était il y a presque 20 ans. Le Gabas, petite rivière, coulait paisiblement au milieu d’une belle forêt de hêtres.
Fernand, qui avait à cette époque 80 ans, ne peux que constater les dégâts. Les pelleteuses et les bulldozers n’ont pas hésité : il fallait le faire ce lac, pour soi-disant arroser les champs de maïs dans les Landes… 55 ans auparavant, c’est ce même Fernand, qui avait planté ces arbres, avec son père à la fin de la guerre. Comme un symbole.

© Pierre Coudouy

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Soirée Écho : Purple Blanket et le film L’Épreuve de Érik Poppe

Soirée Écho : Purple Blanket et le film L’Épreuve de Érik Poppe

J’aimerais revenir sur la soirée Écho du 11 juillet proposée par le centre d’Art Image Imatge d’Orthez avec l’exposition Purple Blanket de Léa Belooussovich associée au film l’Épreuve d’Erik Poppe.
Difficile au premier abord de faire « écho » entre les deux traitements de la violence, l’un à distance où la poésie permet cet espace réflexif, l’autre frontal où l’immédiateté de la photographie nous happe dans son atroce réalité. Et pourtant…

Léa Beloosovitch, nous emmène dans son travail sur le traitement de l’extrême violence des crimes ordinaires de notre société. Par les techniques du crayonnage sur des feutres non tissés de photographies de scènes violentes, par la retranscription au pochoir des dernières phrases de condamnés, par l’accumulation très ordonnée de serpillières calligraphiées à l’encre de Chine des meurtres non résolus en Belgique, l’artiste prend le temps de mettre à distance cette violence.

L’art transcende le choc trop brutal d’une actualité anonyme recueillie sur les registres administratifs, internet, ou de vieux clichés de presse. Le temps pour créer l’œuvre met à distance l’atrocité ordinaire. L’espace dans l’œuvre atténue le choc, la matière textile satin, feutre l’adoucit.

Le film en écho choisi par l’artiste traite aussi de l’extrême violence ; L’Épreuve d’Érik Poppe, nous projette directement dans la vie d’une photoreporter de guerre magnifiquement interprétée par Juliette Binoche.

Plongé dès les premières images dans cette violence, nous suivrons Rebecca, la photographe assistant au cérémonial de la préparation d’une femme kamikaze qu’on ceinture d’explosif. Elle la suivra jusqu’à l’explosion meurtrière. Grièvement blessée c’est le retour à la maison et l’incompréhension, le refus de sa famille, son mari et ses deux filles, de cette mise en danger de mort continuelle leur femme et mère.

Difficile au premier abord de faire « écho » entre les deux traitements de la violence, l’un à distance où la poésie permet cet espace réflexif, l’autre frontal où l’immédiateté de la photographie nous happe dans son atroce réalité.
L’élément commun est cette violence d’une société, traitée par les médias visuels de l’actualité et l’approche opposée, permet de proposer une réflexion en creux, en différence. Cécile Archambeaud, directrice du centre d’Art, n’ayant pas échangé avec l’artiste sur le choix du film, nous laisse dans cette réflexion.

Et pourtant le nombre de similitudes apparaît petit à petit, cette démarche est déjà à l’image des deux approches. Si le questionnement est cette violence de notre société, le sujet est aussi le traitement presque obsessionnel du problème, premier écho. Les séries répétitives de Léa, l’entassement de serpillières nécrologues, les tableaux répétés des nombres des crimes et délits enregistrés mensuellement par les services de police, l’espace démesuré à la suite des retranscriptions des séries Executed Offenders, manifestent le monoïdéisme. Tout comme la journaliste qui doit témoigner encore et encore, dans une pulsion irraisonnée, que même le déchirement familial et la volonté de ne plus repartir aux feux ne peuvent contraindre. Est-ce une colère, exprimée par Juliette Binoche : « C’est par colère que j’ai photographié la mort, ça me permet de me calmer » que Léa Belooussovitch s’exprime ?
Il s’agit aussi de deux jeunes femmes. Ne connaissant pas la vie personnelle de l’artiste plasticienne, je ne peux que supposer de l’approche presque maternelle du sujet de recueillement et du traitement des images. Nous sommes très vite confrontés, dans le film, au questionnement familial d’une mère et d’une épouse.
La beauté cosmétique est aussi traitée. Le traitement esthétisant chez l’une comme chez l’autre est plus qu’apparent, tout comme la notion de temps. Même si paradoxalement, la photographie est immédiate, on découvre le résultat iconographique bien plus tard dans le film où les affaires personnelles de Rebecca sont rapatriées, et livrées à son domicile. Son hésitation à signer le justificatif montre que ce ne sera pas elle qui fera le choix de retrouver ses appareils photo et donc les dernières cartes mémoires qu’ils contiennent. C’est à ce moment que sur son écran nous découvrons avec elle ses images horriblement belles d’une esthétique salgadonienne. Pour les deux artistes le temps long est là, comme un ouvrage de toute une vie.
Puissent leurs travaux tailler la pierre d’une meilleure humanité et leurs colères se calmer.

Philippe Glorieux